« Blaise se comporte comme un monarque»
Celui qui occupe notre page aujourd’hui est un artiste rappeur burkinabè. Il vit en France et n’a pas sa langue dans la poche. Très engagé, il est de ceux qui sont contre la modification de l’article 37 de la Constitution. Il a accepté de partager le sens de son combat. Lisez !
Peux-tu te présenter à nos lecteurs ?
Mon nom à l’état civil est Patrice Traoré et mon nom d’artiste est Humanist. Je suis un rappeur franco-burkinabè. Je viens de sortir mon 1er album titré « Au-delà de nos différences » conçu après des aller-retour entre Angers, Paris et Ouagadougou. Ma musique est à l’image de la pochette de mon album, le reflet d’un miroir dans lequel je partage mes émotions artistiques dans un esprit positif hip hop.
Comment se comporte ton dernier album sur le marché et comment va ta carrière ?
Mon album voyage beaucoup et c’est là toute ma satisfaction. Je reçois régulièrement des photos des quatre coins du monde avec la photo de son propriétaire, parfois dans des lieux que je ne connais pas ou que je n’aurais jamais imaginé (rires) et ça fait chaud au cœur. L’album se porte bien, le plus beau compliment que l’on pourrait me faire, c’est qu’en le réécoutant d’ici dix ans, le public s’y retrouve dans les textes. J’aimerais qu’il traverse le temps.
Comment vois-tu la suite de ta carrière ?
En parlant de carrière, je n’ai aucun plan. Mon rap, je l’exerce avec une boule dans le ventre sur ce qui me touche et me révolte. Tant que cette flamme est présente, je continuerai.
Tu as été récemment à Ouaga pour le FILEP et les NAK, comment était l’ambiance ?
Concerts inoubliables! Un accueil vraiment chaleureux, j’ai savouré ces moments comme chaque goutte de pluie qui tombe après une rude sécheresse. Nous avons énormément travaillé avec Oumsey (son manager à Ouaga, ndlr) à la réussite de cet album et au développement de notre label implanté à Ouagadougou, Sya Music. Interpréter mes chansons en live avec le band de la dernière trompette a été un nouveau défi pour nous. Nous avons pris à cœur de le réussir. Je garde en tête ce partage avec la foule qui reprenait le refrain NON NON NON AU SÉNAT et les rappels du public à n’en pas finir. Nous sommes énormément motivés pour la suite.
Comment arrives-tu à gérer ta carrière au Burkina tout en vivant en France ?
Je suis régulièrement au pays. Je multiplie les aller-retour. Je suis l’actualité de très près et je communique plusieurs fois par jour avec des amis, la famille et Oumsey le grand manager. Et puis tu sais, même chez moi (à Paris, ndlr), c’est comme si tu étais au pays. Passe la porte et tu verras (rires).
Humanist vit-il seulement de la musique ?
A côté de la musique, je propose des ateliers rap. J’interviens dans des centres scolaires, socioculturels, des centres pénitentiaires et depuis peu des écoles de musique. Aujourd’hui, je m’inscris dans une démarche de transmission. Le hip hop m’a tellement apporté.
On te sait très engagé, comment analyses-tu la situation actuelle du pays ?
La situation actuelle est une véritable poudrière. Nous avons un chef d’Etat qui s’entête à s’accrocher au pouvoir alors que la Constitution (la règle suprême de l’Etat) le lui interdit. Quand un chef de l’Etat ne respecte pas la loi de son pays d’une façon aussi méprisante, où va-t-on ?
Il se comporte comme un monarque devenu sourd alors que le peuple est descendu par plusieurs reprises massivement dans la rue pour exprimer son ras-le-bol général. Après 27 ans de pouvoir, plus d’un quart de siècle, il est temps de penser à l’alternance en 2015. Le président est tenu de respecter l’Etat de droit.
Comment se passe la lutte dans l’Hexagone ?
Nous avons une équipe de Cibals et Cibelles (membres du Balai citoyen, ndlr) fortement motivés. Des citoyens de la diaspora et des amis du Faso nous ont rejoints pour participer au grand balayage. Nous avons lancé une pétition citoyenne internationale pour demander le respect de l’Etat de droit au Burkina Faso et pour dire non à la modification de l’article 37 de la Constitution. La pétition, lancée à Bobo, est disponible sur la toile, sur la page Facebook du Balai citoyen. C’est également pour la diaspora un moyen de participer à la lutte malgré l’impossibilité physique d’être présent au pays.
Pourquoi t’es-tu engagé dans le Balai citoyen ?
Thomas Sankara a dit : seule la lutte libère. C’est la raison pour laquelle je me suis engagé dans le mouvement, le Balai citoyen. J’ai la mission de le représenter aujourd’hui en France. Ce qui se passe au Faso concerne tous les citoyens du monde, à savoir le respect et la garantie de l’Etat de droit. On le voit aujourd’hui sur nos réseaux sociaux, le militantisme se passe derrière l’écran de notre ordinateur. Et puis une pétition par le Net permet d’interpeller l’opinion publique internationale qui est une force indispensable pour notre lutte.