» L’industrie pharmaceutique au Burkina : penser que les pharmaciens Burkinabè ne sont bons qu’à vendre des médicaments, c’est méconnaître le secteur pharmaceutique (et je reviendrai dessus pour parler de la profession de pharmacien). Il faut savoir que le pharmacien Burkinabé dans son cursus de formation est formé dès sa deuxième année à la formulation et fabrication des formes sèches (comprimés, gélules), en troisième année à celle des formes liquide (sirop, suspensions) et en quatrième année à celle de formes stériles (injectables, collyre) et également les formes galéniques spéciales telles que les formes à libération prolongée etc. De plus, il y a actuellement la formation spécialisante en ingénierie pharmaceutique qui vient renforcer les compétences en matière de ressources humaines. Donc ce n’est pas une question de ressources humaines.
Pour l’érection d’une industrie pharmaceutique il faut une volonté politique. Les exemples des pays du Maghreb sont là. Il faut d’abord un engagement de l’État à protéger le marché de la production qui va sortir de ces usines, mais on préfère aller payer chez les autres soit disant que l’unité de production locale n’est pas compétitive. Voici la réponse que je donne, c’est le pays qui décide si le produit est compétitif ou pas, c’est une volonté politique. Et j’ajoutes la réponse que mon maître le Dr. SAWADOGO Jean Marie (in memoria) d’alors Directeur général de MEDIFA qui produisait des solutés a répondu a un ministre qui avait évoqué la compétitivité des produits MEDIFA pour pouvoir justifier le fait d’aller payer ailleurs « Monsieur le ministre, la compétitivité de nos produits réside dans les emplois que nous avons créés, dans le nombre de familles de Burkinabé qui profite de cette usine, de la valeur ajoutée que nous apportons au pays, de l’expertise que nous apportons au pays et enfin de la fierté patriotique que nous tirons de cette usine » mais cela n’a pas empêché la société de mourir. Et j’ajoute que la compétitivité réside aussi dans le fait qu’avoir une unité de production pharmaceutique locale aurait permis de faire face à des crises sanitaires telles que nous vivons actuellement.
Les procédures administratives ne sont pas pour encourager ce type d’initiative. Les Egyptiens et les chinois qui sont venus ici annoncer avec nos autorités qu’ils veulent venir investir, j’ai toujours dit à mes amis s’ils partent ils ne vont plus revenir. Ils sont partis, les avez-vous revus? Quel investisseur va venir s’emmerder dans des lourdeurs administratives ? Mettre deux ans pour obtenir une autorisation? Ce qu’il peut obtenir en 72h ailleurs.
Quant aux promoteurs nationaux aucun accompagnement de la part des banques, aucun. Les banques ne veulent pas investir dans de nouveaux projets, dans un nouveau secteur. Si localement vos institutions financières ne croient pas à votre projet, comment des investisseurs étrangers vont y croire?
Il faut ajouter à cela le problème d’égo de certains décideurs, qui parce qu’il n’ont pas participer à la genèse d’un projet font tout pour qu’il ne voit pas jour.
Enfin, la production pharmaceutique n’est pas une priorité pour le pays. Il y a déjà des unités de production telle que GAMET, PHYTOFLA qui produisent des médicaments traditionnels améliorés qui ont une grande renommée, vous avez déjà entendu qu’un ministre de l’industrie est allé visiter une de ces unités? Demandez à l’actuel ministre du commerce et de l’industrie, il a signé combien d’autorisations d’ouverture d’unités de production pharmaceutique ? Quels jours ont-ils pensé à rencontrer ces promoteurs pour voir quelles difficultés ils rencontrent? A ma connaissance jamais, car je suis justement un des promoteurs d’un projet d’implantation d’une unité de production pharmaceutique.
Le Burkina Faso a la meilleure centrale d’achat de médicaments génériques, cela devrait être une opportunité pour le pays qui peut abriter plusieurs unités de production, une unité ou deux unités de formes sèches, une unité de forme liquide, et une unité de forme injectable…
Je n’ose pas imaginer si la prise en charge du COVID 19, nécessitait prioritairement des solutés, imaginez ce qui adviendrait.
Le pays se complait dans sa dépendance. Le pays ne veut pas d’industrie pharmaceutique. Ce n’est pas lié à un problème de compétence des pharmaciens Burkinabé…
Si MEDIFA qui exportait ses solutés existaient toujours, si l’unité U-PHARMA continuait de produire, si les unités actuelles qui produisent les phytomedicaments étaient encouragées, si les projets d’implantation d’unités de production pharmaceutique étaient soutenus, on en serait pas là.
PS: ils sont allés signer une convention pour produire du gel et solutions hydroalcooliques avec une structure qui fait des massages et fabrique du jus…voilà notre visage… »
Aymar Tiendrebeogo