« Il y a un délaissement total de la culture et plus particulièrement de la musique de la part des autorités burkinabè ». C’est l’avis de l’artiste slameur burkinabè Dekavas. Dans cette interview qu’il nous a accordée, l’artiste estime que le salut de la musique burkinabè viendra d’abord d’un examen sérieux et rigoureux de la plateforme du Syndicat national des musiciens burkinabè (SYNAMUB). En plus du traitement de cette plateforme, Dekavas invite les artistes burkinabè à travailler de façon acharnée pour produire des œuvres de qualité à même d’être soutenues par le public.
226infos.net : Quelle appréciation faites-vous du niveau de la musique burkinabè actuelle ? Est-elle sur une pente ascendante ou descendante ?
Dekavas : J’allais dire les deux à la fois parce que le Burkina Faso regorge aujourd’hui de très grands talents qui commencent à être connus à l’international. D’un autre coté aussi, il faut dire aussi que le véritable problème de la musique burkinabè c’est d’abord l’absence de politique culturelle et ensuite la nature même du milieu du showbiz burkinabè qui est un milieu d’égoïstes et de jaloux. La conjugaison de ces deux facteurs fait que certaines musiques sont vraiment désagréables à écouter.
226infos.net : Tout de suite on a envie de dire ceci : A qui la faute ?
Dekavas Les responsables de cette situation, moi je les situe à trois niveaux. D’abord aux artistes que nous sommes, ensuite aux promoteurs de la filière musicale et maintenant les autorités en dernier ressort. Et je m’explique. Quand je dis que la faute incombe aux artistes, c’est pour dire que certains sont gagnés par une sorte de starmania et à force de vouloir jouer à ce jeu, on ne prend pas le temps de murir son projet et on se lance dans la musique, la production d’un album, sans aucun plan de carrière. La musique ça ne marche pas comme ça. Pour ce qui est de la responsabilité des promoteurs, il faut dire que les gens sont tellement méchants au Burkina Faso et je le dis, les promoteurs ici au Burkina font dans l’hypocrisie tout court. On ne fait pas ton affaire temps que tu n’es pas capable de pouvoir mouiller la barbe d’abord. Si dès les premiers pas de l’artiste on lui demande de graisser la patte d’un promoteur avant d’avoir des prestations c’est un peu compliqué. Le troisième niveau de responsabilité, c’est l’Etat, nos autorités. Ici, il y a un délaissement total de la culture et plus particulièrement de la musique de la part des autorités. Ce secteur est livré à lui-même et il n’y a aucune politique d’accompagnement des acteurs qui évoluent dans ce secteur.
226infos.net : Quelles sont les grandes actions qu’il faut mener pour dynamiser et imposer la musique burkinabè au niveau sous-régional et à l’échelle africaine ?
Dekavas : Il faut juste faire ressortir la plateforme du SYNAMUB. Les actions à mener y sont déclinées de façon pertinente. Hors mis cette plateforme, il faut dire que les artistes doivent vraiment faire de la musique une véritable passion. Il faut faire de la musique par passion. Quand tu n’as pas de la passion tu ne peux pas exceller dans la musique. Il faut également que le public burkinabè apprenne aussi à encourager les artistes. C’est important aussi pour booster la carrière de nos artistes.
226infos.net : Des artistes demandent à ce que le quota de 90% de musique burkinabè soit respecté au niveau des stations de radio ; le respect de ce quota pourra-t-il donner une autre dimension à la musique burkinabè ?
Dekavas Oui, évidemment. Cela pourra apporter un plus à l’envolée de la musique burkinabè, mais on ne peut pas demander aux radios de jouer à n’importe quel prix la musique burkinabè. Il faut que nous travaillons d’abord à faire des productions de qualités. Quand c’est bon, on n’a même pas besoin d’imposer un quota et appeler les gens à le respecter.
226infos.net : Vous êtes un artiste burkinabè. Alors pourquoi Dekavas a choisi le slam pour s’exprimer ?
Dekavas Je l’ai toujours dit, dans toute chose, il faut savoir se révéler soi-même, il faut savoir où est-ce qu’on peut exceller. Le domaine où moi je suis convaincu de pouvoir exceller c’est le Slam. C’est pourquoi j’ai fait le choix de ce genre musical.
226infos.net: Dekavas s’adresse t-il à un public élitiste au regard de toutes ces images que vous utilisez dans vos textes?
Dekavas Quand tu te mets à composer tu n’a pas en tête quel genre de public va t’écouter d’abord. En Slam si ce que tu vas dire n’est pas extraordinaire, n’est pas différent du parler courant, il n’y aurait certainement pas de plaisir à t’écouter. Donc il faut mettre beaucoup d’ingrédients dans la rédaction de son slam, faire appel aux figures de styles etc. J’ai toujours dit qu’un texte de slam sans images, c’est un communiqué. La musique c’est un art, et l’art ne vaut que par la manière. Je ne suis pas journaliste pour chercher à être compris par tout le monde, mais si tout le monde arrive à me comprendre ce sera un honneur pour moi.
226infos.net : Vous avez déjà un album sur le marché. Comment se porte votre album sur le marché discographique ?
Dekavas L’album se porte bien et continue son petit bonhomme de chemin. Il y a des difficultés, mais ces difficultés ne font qu’accompagner le succès certain de l’album. Déjà, le bilan est satisfaisant et il le sera davantage avant le prochain album. Et ce sera pour bientôt.
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